L'offboarding en entreprise au detriment de "Stratégie Modèle Mental"​

Cyrille Pailleret

December 14, 2020

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Après avoir lu ce livre co-écrit par Philippe Silberzahn & Béatrice Rousset, tous deux professeurs (notamment à EM Lyon ☺️#nostalgie) & speakers, j'ai trouvé le parallèle intéressant entre deux de leurs idées et leur application à l'offboarding en entreprise.

Idée #1 : si autrefois le succès d’une organisation se mesurait à sa capacité à figer son modèle mental et à l’appliquer sans relâche, dans le monde actuel, le succès résidera au contraire dans sa capacité à constamment faire évoluer ses modèles mentaux

Appliqué à l'offboarding ou au raisonnement des collaborateurs avant de décider de quitter une entreprise, voilà ce que cela pourrait donner.

Autrefois, l'idée même de quitter une entreprise était inconfortable pour le salarié, alors en parler avec son manager sans imaginer un retour de boomerang lors de la prochaine évaluation (annuelle forcément, pas de feedback plus régulier que ça) pouvait paraitre impensable. Le collaborateur était terrifié lorsque sa décision était prise de poser sa démission, puis suivaient 3 mois de préavis pendant lesquels le collaborateur était soit exploité au maximum jusqu'à la minute précédant son départ, soit "persona non grata" dans l'entreprise ("il a décidé de quitter la famille, faut bien lui faire comprendre ce qu'il à y perdre, non?". Bref, la meilleure manière de faire du durer le mariage, pour le collaborateur et l'employeur, étaient de cacher toutes les discussions de couple sous le tapis.

Dans le monde actuel, les occasions entre un collaborateur et son manager d'échanger à propos des aspirations du premier sont régulières, et parfois même à l'initiative du second ! Cela peut paraître suicidaire ou masochiste, mais c'est le comportement adapté à une finalité inéluctable. En 2020, l'aspiration d'un collaborateur à "relever un nouveau challenge" dans une autre entreprise, après 24 mois à son poste, ne doit plus étonner un manager. Evidemment, ce chiffre évolue en fonction des secteurs d'activité, des fonctions et des séniorités, mais la capacité qu'auront les managers à identifier, parmi leurs collaborateurs, le ratio des "80 / 20" dont l'avenir à 12 mois est "très probablement dans l'entreprise / ailleurs" sera un input de management d'une grande valeur. De cette façon, le manager limite le risque de surprise et anticipe les mouvements au sein de son équipe, il adapte son coaching individuel pour améliorer la performance de l'équipe, et donc celle de l'entreprise.

Idée #2 : Le modèle mental, ce n’est pas le à QUOI je pense/nous pensons, mais le COMMENT je pense/nous pensons. Ce sont des hypothèses, valeurs et croyances individuelles et collectives, une sorte de lunettes filtrantes ou un cadre de référence dans l'organisation.

En entreprise, nombre de comportements des employés sont dictés par mimétisme, et les comportement imités sont le fruit d'un environnement professionnel spécifique, de l'ADN propre à chaque organisation. Il est maintenant courant de parler de l'ADN des entreprises, qu'il est difficile de décrire autrement que le font les auteurs P. Silberzahn & B. Rousset : "des hypothèses, valeurs et croyances individuelles et collectives". Cet ADN donne lieu à des comportements et à des habitudes au sein de l'entreprise, se créent donc ces "lunettes filtrantes" que porte chaque collaborateur. À chaque nouvelle occurence, le "cadre de référence" se renforce un peu plus et la difficulté pour le collaborateur de s'affranchir de cette paire de lunettes grandit.

À ce sujet, l'offboarding ne fait pas figure d'exception. S'il est un domaine où le collaborateur se contente le plus souvent de mimer ce qu'il a pu constater, c'est la gestion de sa fin de cycle / transmission. S'il a constaté que ses ex collègues, après avoir remis leur démission, arrivaient plus tard et quittaient plus tôt le bureau, il fera de même (aucun cas de démissionnaire arrivant plus tôt recensé). S'il a constaté qu'en guise de passation, ils organisaient un pot de départ et rédigeaient un email avec "les échéance chaudes" à porter à la connaissance du manager, il fera de même. Ni plus ni moins. L'offboarding a ceci de particulier que le collaborateur a déjà la tête ailleurs pendant son préavis. Même sans mauvaise volonté, rares sont les collaborateurs qui se creuseront la tête pour simplifier la tâche de leur manager/successeur après leur départ. Pourtant, ces habitudes ne sont que des "lunettes filtrantes", que chacun peut décider de retirer selon ses motivations : partir avec le sentiment du travail accompli, chercher la reconnaissance de son manager, obtenir une prime, etc.

Conclusion : à l'ère de Linkedin, la capacité d'imitation est contre productive et celle d'autocritique par le collaborateur, ou d'initiative, est devenue un standard. A l'ère de Linkedin, le départ d'un employé n'est plus un évènement remarquable, il peut même se faire dans l'indifférence la plus totale. En revanche, il ne tient qu'au collaborateur (et à l'entreprise qui le promeut) de faire de son offboarding une période remarquée & créatrice de valeur.

Les entreprises peuvent, et doivent, faire évoluer leurs modèles mentaux. CQFD

Komin.io a deux principales raisons d'être. La 1ère est l'intensification du turnover dans les entreprises, inéluctable d'ici 2030, qui pénalisera les entreprises n'ayant pas fait évoluer leur approche de l'offboarding/onboarding. La 2nde est le manque de formation et de motivation des managers à gérer la fin de cycle des collaborateurs dans l'entreprise. C'est humain, nous préférons investir du temps sur les people dont nous s'avons qu'ils resteront. Komin.io accompagne ses clients sur la passation de connaissances entre 2 collaborateurs se succédant à un même poste. L'offboarding est (ré)inventé, le turnover est dédramatisé.